Bien que l’auteur soit mort dans la capitale, le centenaire de sa disparition n’ y a pas été commémoré, alors que Londres lui consacrait deux grandes expositions en cette année 2000, l’une à la British Library, essentiellement littéraire et biographique, l’autre au Barbican Center autour des rapports de Wilde avec les artistes de son époque.

Pour cette grande première, le Petit Palais retracera la vie et l’oeuvre de ce parfait francophone et ardent francophile à travers un ensemble de plus de 200 pièces rassemblant documents exceptionnels, inédits pour certains, manuscrits, photographies, dessins, caricatures, effets personnels, et tableaux empruntés en Irlande et en Angleterre bien sûr, mais aussi aux Etats-Unis, au Canada, en Italie, dans les musées français (musée d’Orsay, BnF…) et dans différentes collections privées.

Article d’Élisabeth MORIN dans le Journal FGB du 2è trimestre 2017

A la découverte d’Oscar Wilde
L’impertinent (irlandais) absolu (1854 – 1900)

A travers un ensemble de plus de 200 pièces, documents exceptionnels, manuscrits, photographies, dessins, caricatures, effets personnels et tableaux, l’ exposition, au Petit Palais, très visuelle malgré son sujet littéraire, a retracé, de septembre 2016 à janvier 2017, la vie fascinante de ce dandy irlandais irrévérencieux dans l’Angleterre victorienne, de la gloire à la chute.

Dandy certes mais aussi esthète, expert en provocations et en mots d’esprit, Oscar Wilde fut aussi un immense homme de lettres: critique d’art, dramaturge, romancier, poète et … francophone.
Regard malicieux et look invraisemblable, le portrait d’Oscar Wilde trône en majesté dans les allées du Petit Palais. Après un rappel chronologique sur le mur d’entrée, on pénètre dans une
salle assombrie par les murs bleu foncé, mais illuminée par des trésors: des portraits des proches
d’Oscar Wilde, de ses muses (les actrices Lillie Langtry et Sarah Bernhardt) et de ses mentors
(John Ruskin et William Morris).
A l’âge de 23 ans, il répond à un questionnaire sur ses goûts … et on l’apprend que son idéal de
beauté est … le saint Sébastien de Guido Reni.
Installé à Londres après des études brillantes au Trinity College de Dublin, où il est né en 1854, et à l’université d’Oxford, Oscar Wilde se fait rapidement remarquer grâce à ses poèmes et ses critiques d’art. En 1877, il commente l’exposition de la Grosvenor Gallery, à Londres, composée notamment de tableaux préraphaélites.
Le Petit Palais a eu l’excellente idée de réunir certaines de ces oeuvres et d’accompagner chacune par des propos de l’écrivain.
Dans une autre salle, on découvre sa réputation d’esthète, son esprit piquant et ses aphorismes
dévastateurs lors d’ un voyage en Amérique où il donne une série de conférences en 1882.
Sous l’objectif de Napoleon Sarony, il pose en parfait dandy et consolide son image : ces photos
restent les plus connues de l’écrivain.
On traverse ensuite une salle de transition sur sa vie à Paris (où il rencontre Victor Hugo, Verlaine,
Mallarmé…) et à Londres entre 1883 et 1889. Un mur accueille une oeuvre de Toulouse-Lautrec, La Danse mauresque, où Oscar Wilde est représenté parmi les spectateurs. En 1884, Oscar Wilde épouse Constance Lloyd et cette union donne rapidement naissance à deux fils.
Entre 1890 et 1895, il publie une ribambelle de pièces aux dialogues pétillants (L’Importance d’être constant, L’Éventail de Lady Windermere…) et son unique roman, Le Portrait de Dorian Gray.
On entend la voix de Rupert Everett en lire des extraits en français.
C’est aussi pendant cette période triomphale qu’il rencontre Alfred Douglas, qui devient son amant.
Plusieurs photos des deux hommes sont exposées ainsi qu’une lettre passionnée d’Oscar, qui se
retournera plus tard contre lui lors de son procès.
Dans la dernière salle, on découvre le procès, la prison et l’exil. On peut y voir les mots insultants sur la carte de visite du marquis de Queensberry, père d’Alfred Douglas. Ce morceau de papier agressif pousse l’écrivain à attaquer en diffamation le père de son amant. Cette pièce à conviction n’aura pas l’effet escompté : Oscar est condamné à deux ans de travaux forcés.
Plusieurs vidéos viennent ponctuer l’exposition. Une de son petit-fils, Merlin Holland qui, 30 ans durant, a compulsé archives, correspondance et oeuvres pour mieux cerner l’homme et éviter toutes interprétations sensationnalistes.
Un témoignage vidéo de Robert Badinter vient décrypter le procès. Une vitrine dévoile un témoignage aussi précieux que poignant : une lettre qu’Oscar écrit à Alfred Douglas sur du
papier bleu de la prison de Reading, publiée plus tard sous le titre De Profundis.
En 1897, il sort de prison humilié, affaibli, en faillite. Il ne reverra plus sa femme et ses enfants qui ont dû changer de patronyme, suite au scandale. Il s’exile en France sous un pseudonyme et rédige un long poème sur ces deux années éprouvantes, La Ballade de la geôle de Reading.
On observe les dernières photos de lui, prises à Rome en 1900 – quelques mois plus tard, il meurt à Paris des suites d’une méningite, dans la misère la plus noire. Le dernier mur avant la sortie comporte des esquisses de son tombeau par Jacob Epstein. Le résultat est à découvrir au Père-Lachaise, terre d’accueil de ce grand francophile, impertinent absolu dont le « repos éternel » est égayé par les nuées de « rouges baisers » de ses admirateurs, sur sa sépulture mythique !