Martine Chavot, du Bureau des Guides de Bourges, lors de sa conférence de novembre 2016 « Le Berry vu par des Anglais », entraîne littéralement l’assistance dans une «chevauchée fantastique» à travers les siècles.

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Nous la suivons à la brillante cour d’Aliénor d’Aquitaine, femme libre, intrépide, au caractère bien trempé, épouse du roi d’Angleterre, Henri II de Plantagenet, nous frémissons à l’évocation du Prince Noir qui tire son nom de la couleur de son armure. Au printemps 1356, il lève une armée, se dirige vers le Berry mais ne parvient pas à s’emparer de Bourges. Cet événement est commémoré par une croix en fer forgé dressée près de l’église St Henri, la Croix Moulte-Joie. Hélas, il prend Vierzon et fait passer la garnison au fil de l’épée…

En 1423, Charles VII remet la ville d’Aubigny à Jean Stuart de Darnley, prestigieux chef de l’armée écossaise, ce qui permet au roi de France d’établir une alliance à long terme durant la Guerre de Cent Ans, au nom de l’Auld Alliance (traité d’aide mutuelle entre la France et l’Ecosse conclu au XIII ème siècle)… Les bag pipes se mêlent désormais au cliquetis des armes et l’esprit des Stuart s’installe pour des siècles en Berry.

Les siècles passent et des «anglais voyageurs » succèdent à la soldatesque. Il est de bon ton au XVII ème et surtout au XVIII ème siècle, pour les jeunes gens de l’aristocratie européenne d’effectuer Le Grand Tour pour parfaire leur éducation. Les destinations
les plus prisées sont les Pays Bas, l’Allemagne, l’Italie mais aussi la France. Pour se déplacer, les « Touristes » utilisent des guides, des cartes fort surprenants … Le Pic de Montaigu ou la Montagne noire, en Berry peuvent être représentés de la même manière que les Alpes ou les Pyrénées !!

Voyager est une « Aventure » d’autant plus risquée que les auberges n’inspirent ni la propreté, ni la confiance… Il est recommandé de dormir tout habillé car les paillasses sont emplies de petites bêtes très peu fréquentables mais aussi de se munir de verrous (en vente à Londres !) pour cadenasser la porte de sa chambre afin de ne pas être détroussé durant la nuit…

Malgré tout, quelques anglais s’attardent en France et en Berry, comme Arthur Young (1741 – 1820), agriculteur et agronome. Il effectue trois voyages en France entre 1787 et 1790 et fournit des renseignements importants sur les techniques agricoles et le déroulement du début de la Révolution. Dans ses récits, il est totalement consterné par l’aspect arriéré des campagnes françaises.

Charles Meryon (1821 – 1868) fils naturel d’un médecin anglais et d’une danseuse du corps de ballet de l’Opéra. Après des études à l’ Ecole Navale de Brest, il sillonne le monde. Des escales en Nouvelle Zélande, Nouvelle Calédonie et dans des îles d’Océanie frappent son imagination et  il exécute, à la mine de plomb, des croquis. Il démissionne de la Marine, prend des leçons de peinture mais atteint de daltonisme, il est contraint d’abandonner. Il découvre la gravure et se met aux eaux-fortes. Ses œuvres sur Paris avec, en particulier, le fameux Stryge de Notre Dame et la Tour St Jacques (la première épreuve est conservée au British Muséum), font de lui un artiste fort prisé ; Baudelaire même souhaite qu’il collabore à ses « Fleurs du Mal » mais Meryon repousse avec horreur l’idée d’illustrer « un texte fait de douze petits poèmes ou sonnets » !! Meryon se rend à Bourges avec l’idée de constituer un album relatif à la ville. Il réalise plusieurs eaux-fortes sur les vieilles rues dont « la porte d’un ancien couvent », « la maison des Trois Flûtes » et « la rue des Toiles ». Cette dernière fait partie des planches les plus puissantes du maître. Hélas, le projet n’aboutit point faute de souscription.

Henri James (1843 – 1916), américain, naturalisé britannique, se rend en France où il rencontre Zola, Flaubert, Maupassant, Daudet et écrit « a little tour in France », petit guide touristique sur les régions de la Loire et du Midi.

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Lors de la 2eme guerre mondiale, il s’avère que le nord du Berry soit le plus proche….de l’Angleterre, au-delà de la ligne de démarcation. Le Special Air Service (SAS) intervient alors afin d’appuyer les maquis. Plus de trente largages et décollages ont lieu grâce aux Lysander, ces petits avions qui chargent deux passagers assis de chaque côté du réservoir d’essence !

Laissons le mot de la fin à Percy Allen (1875 -1959) journaliste et écrivain anglais qui publie, en 1947, « le Berry, heart of France » dans lequel il conte ses rencontres avec Jean Rameau, poète et musicien berrichon mais aussi son amour pour notre région. «Bien des Berrichons ne savent pas apprécier leur province. Ils ne se rendent pas compte de l’attrait des lieux qui les environnent et s’en vont bien loin à la recherche de merveilles. Un jour, ils comprendront peut-être que leur pays en vaut bien d’autres quand ils sauront qu’un étranger a pris le temps d’y faire de longues visites et d’en approfondir l’histoire ».

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